Les origines du karaté

Historique.

Dès le dixième siècle, la Chine entretient des rapports diplomatiques et commerciaux avec l'archipel des Ryu Kyu, alors royaume indépendant. De nombreux Chinois se rendent à Okinawa pour y faire du commerce.  Parmi eux, certains pratiquent différents styles de boxe chinoise (Kung Fu Wu Shu) à un très haut niveau.  A cette époque notamment, Okinawa était une des principales sources de production du soufre, élément indispensable à la fabrication de la poudre dont les Chinois maîtrisaient la fabrication.

  Jusqu'au quatorzième ou quinzième siècle, on ne peut pas encore parler de style propre à Okinawa.  La méthode de combat purement locale restait assez primaire, avec l'utilisation de la force physique comme élément déterminant.  En 1372, Satto, roi des Ryu Kyu, fit allégeance à l'Empereur de Chine, de la dynastie des Ming. Relations culturelles et commerciales entre la Chine et l'archipel furent plus étroites. C'est vers cette époque que les premières formes antiques de katas seront transmises par des experts chinois, telle Passai, en 1380. En 1429 Sho Hashi, originaire de la province chinoise de Chuzan, réalisa l'unité des différents fiefs qui morcelaient Okinawa et interdit la possession de toute arme. De cette période où les échanges commerciaux furent particulièrement prospères (Chine, Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Corée...) se développèrent réellement l'art du combat à main nue et son utilisation dans le développement et l'entretien de la santé, ainsi que le maniement des outils aratoires à des fins martiales, ce qui aboutira à la création du Kobudo okinawaïen. La venue régulière d'attachés militaires accentue le brassage des multiples techniques chinoises. C'est à cette époque que l'ensemble des techniques pratiquées à Okinawa est désigné par le terme de Tode. L'idéogramme chinois, lu "TO" dans la langue d'Okinawa, désigne la "dynastie des Tang" (618 - 906).  Par extension, en okinawaïen, "TO" désigne tout ce qui vient de Chine, ainsi que le pays lui même. "DE", contraction de "TE", signifie en chinois et en okinawaïen "technique". D'où "TODE", "technique des Tang" ou "technique du continent", par référence au continent chinois, le grand initiateur. A noter que "TE" signifie "la main" en japonais ; c'est cette signification qui aboutira au sens japonais de " KARATÉ(main vide).

En 1609, tout l'archipel est brutalement envahi par les Japonais : le clan Satsuma, originaire de Kyushu, avec à sa tête Shimazu, impose sa domination et instaure de fait une véritable dictature militaire sur les Ryu Kyu, après avoir écrasé la dynastie des Sho. C'est à partir de cette date que le côté le plus dur du Tode, en tant qu'art de combat, va se développer.  La notion du secret dans la transmission de l'enseignement provient également de cette époque, secret qui sera maintenu vis-à-vis des Japonais jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle.  La plupart des entraînements se déroulent de nuit et un certain nombre de techniques et de méthodes d'entraînement transmises jusqu'à nos jours ne prennent leur sens véritable que par rapport aux conditions de cette époque ; par exemple, le déplacement très particulier du kata Naifanchi (plus connu actuellement sous le nom japonais de "tekki") n'a de sens qu'exécuté sur des rochers couverts d'algues, ce qui impose une façon de se déplacer qui n'a rien à voir avec la façon de faire actuelle. Il en est également ainsi des Tame-Shiwari (exercice de casse à main nue de matériaux divers : galets, tuiles, briques, etc.) et de certains exercices d'endurcissement, tel le travail au makiwara (poteau de frappe en paille tressée). Il s'agissait alors de pouvoir frapper à mains nues, sans se blesser, des samouraïs en armures. Ces armures étant fabriquées avec des plaques de cuir renforcées de métal, il fallait donc un minimum d'endurcissement du poing et de renforcement des articulations pour pouvoir transmettre à mains nues une onde de choc susceptible de blesser grièvement ou de tuer un adversaire, sans se blesser soi-même. Mais ce travail devient inutile face à un opposant non revêtu d'armure.  Autre technique dénuée de son contexte de nos jours, les Tobi-Geri (coups de pieds sautés) : dans les formes anciennes de katas les coups de pied ne sont pas portés plus haut qu'au niveau du pubis, des genoux ou, au maximum, des côtes flottantes; dans le contexte de l'Okinawa du dix-septième siècle, le Yoko-Tobi-Geri (coup de pied latéral sauté) est une technique désespérée face à l'attaque d'un samouraï à cheval. Ces différents exemples montrent bien que toute technique présente un intérêt particulier, dans un contexte d'utilisation donné.  De nos jours, il est tout à fait possible de travailler ces techniques d'un autre âge, mais sans oublier leur sens originel, et en se gardant bien surtout de tout excès dû à une interprétation erronée.  

  L'efficacité maximum des instruments agraires utilisés comme armes sera développée durant cette période. Les écoles traditionnelles de Kobudo okinawaïen sont nées à cette époque. Par exemple, la transmission du Kobudo de la famille Matayoshi s'effectue de père en fils, depuis le seizième siècle. La transmission de Maître à disciple se faisait bien sûr le plus souvent oralement, au vu du contexte que nous venons d'évoquer. Ceci explique le manque de documents écrits concernant toute la période s'étendant du seizième au dix-neuvième siècle.  De plus la majorité des gens d'Okinawa était assez fruste.  Seuls quelques lettrés d'origine chinoise ou ayant étudié la calligraphie en Chine étaient capables d'interpréter un certain nombre de documents chinois et de laisser eux-mêmes des documents écrits.

        La généalogie des écoles actuelles remonte à la fin du dix-septième siècle. Les "têtes de liste" sont des Chinois ou des Okinawaïens, formés par des Chinois à Okinawa, ou bien ayant étudié eux-mêmes sur le continent chinois, notamment dans la province de Fukien. Les origines plus anciennes de ces filiations se trouvent en Chine. Pour la période qui nous intéresse, deux noms sont à retenir.  Le premier est celui d'un maître chinois, Kwang-Shang-Fu, qui, en 1761, démontra et enseigna ce qui allait devenir le kata Kushanku (Kanku en japonais).  Le deuxième nom est celui de Sakugawal né en 1733 à Shuri.  Il fut l'élève du rnoine Peichin Takahara et de Kwang-Shang-Fu.  Celui-ci devint célèbre sous le surnom de Karaté Sakugawa, avant de mourir en 1815. C'est au cours des dix-huitième et dix-neuvième siècles que se sont forgés et individualisés trois styles aux caractéristiques bien précises : Shuri-Te, Naha-Te et Tomari-Te, regroupés généralement sous le terme d'Okinawa_Te (la technique d'Okinawa), Shuri Naha et Tomari étant des villages où se sont développées ces différentes écoles. Notons qu'à l'heure actuelle l'extension urbaine très importante de la ville de Naha a englobé en son sein Shuri et le port de Tomari.

        En 1868, au Japon, commence l'ère Meiji, époque de profonds bouleversements et de grandes réformes au sein de la société féodale japonaise.  En 1875, la possession des Satsuma prend fin à Okinawa qui devient alors officiellement une préfecture japonaise, au grand dam de la Chine qui en revendiquait la possession, et d'une grande partie de la population locale qui rêvait de retrouver son indépendance d'origine.  En quelques années, le voile du secret sur l'en geignement du Karate-Do sera levé et c'est en 1904 que, sur l'initiative de Anko Itosu, l'art martial d'Okinawa fut introduit officiellement dans l'enseignement des écoles publiques et de l'Université.  Il faudra attendre le voyage de Gichin Funakoshi à Tokyo en 1922, puis de Choki Motobu à Osaka pour que le Tode, soit connu en dehors d'Okinawa. Le Karate-Do fut officiellement reconnu en 1931 par la Nippon Butoku Kai, organisation présidée par J'Empereur du Japon, chargée de recenser et de développer les différents arts martiaux japonais. C'est vers cette époque que Gichin Funakoshi modifia nombre de noms anciens des katas pour les traduire en japonais. N'oublions pas que cette époque est alors celle de la montée de l'impérialisme nippon et que les noms d'origine des katas sont issus des langues chinoise et okinawaïenne. Dans le Japon des années trente, il n'était pas de bon ton de pratiquer une "technique chinoise". Ceci explique également le changement de signification des idéogrammes d'origine. L'idéogramme TO, marquant trop les sources chinoises fut modifié en KARA, qui, signifie "vide" en japonais.  Ainsi "la main de Chine" devint "la main vide", ce qui ne manqua pas de soulever un tollé de protestations chez les maîtres d'Okinawa qui, cependant, s’y rallièrent en 1936, pressés par les événements au moment où le Japon s'apprêtait à envahir la Chine. Paradoxe et remarquable exemple d'opportunisme, lorsque le Japon capitule en 1945, Mac Arthur interdit par décret la pratique des arts martiaux japonais (Judo, Kendo, Aïkido), comme éléments formateurs de l'âme militariste nippone ; alors que le Karate-Do sera la première discipline qui verra ses dojo réouvrir parce que ses promoteurs auront fait valoir auprès des autorités américaines son origine chinoise et non japonaise.    

    L'île d'Okinawa, quant à elle, restera sous protectorat américain jusqu'en 1972, date à laquelle l'île sera rétrocédée au gouvernement japonais.  Malgré ces nombreux aléas, la tradition d'origine du Karate-Do persiste toujours à côté des diverses extrapolations et déformations, ponctuées de nombreuses omissions et de lâches reniements.

Source:TODE les origines du KARATE -DO (Pierre Portocarrero)

Entraînement d'écoliers au château de Shuri en 1936

 

Entraînement à Okinawa.

L'ART MARTIAL

Considéré et pratiqué en tant que technique guerrière, l'enseignement était souvent tenu secret et chaque école conservait jalousement les techniques les plus efficaces, qui n'étaient transmises que de maître à disciples. L'enseignement du karaté en tant que Budo (la voie du combat) se concrétisa par l'adjonction du suffixe do qui exprimait ainsi qu'il n'était pas seulement une technique guerrière, mais aussi et surtout une voie d'épanouissement physique et spirituelle.

LE SPORT

C'est en 1957 qu'eurent lieu les premiers championnats de karaté du Japon ; c'est aussi le début du formidable développement de celui-ci à travers le Monde.  Cela allait aboutir à la victoire de l'équipe de France aux Championnats du Monde de 1972 (GRUSS, PETITDEMANGE, SETROUK, SAUVIN, VALERA) où, pour la première fois, le Japon perdait sa suprématie.  De nombreux titres individuels ont été remportés depuis par la France : J.-L. MONTAMA, Th.  MASCI, E. PINDA, G. TRAMONTINI, TAPOL, M. PYREE chez les hommes, et chez les femmes, Monique AMGHAR, Sophie BERGER et Catherine BELRHITI (ces deux dernières doubles Championnes du Monde).

LA COMPÉTITION

Les assauts sportifs ne sont autorisés qu'à partir de 16 ans. Il existe des compétitions d'initiation au combat qui sont ouvertes aux enfants à partir de 1 0 ans et qui se pratiquent avec des protections. Toutefois, dès l'âge de 6 ans, les enfants peuvent participer aux compétitions kata (confrontation basée sur la perfection technique).Les règles l'arbitrage ont été étudiées de telle sorte que tous les risques d'accident soient exclus. Les statistiques ont fait apparaître que le karaté est l'une des disciplines sportives qui comporte le moins de risques et les accidents y sont très rares et pratiquement inexistants chez les enfants. Il existe des Championnats départementaux, régionaux et nationaux ainsi que des Championnats d'Europe qui se pratiquent tous par catégories d'âge et de poids. Les Championnats du Monde ont lieu tous les deux ans. 

PHILOSOPHIE

La pratique du karaté vise l'épanouissement physique et psychique de l'individu. Sa recherche d'intégration et d'adaptation sociale s'exprime au travers de son code moral qui prône : le sens de l'honneur, la fidélité, la sincérité, le courage, la bonté et la bienveillance, la droiture, le respect, la modestie et l'humilité, le contrôle de soi. Pour les enfants, il vise à canaliser leur agressivité naturelle pour la transformer en une combativité contrôlée et créative. 

Quelle meilleure base pourrait-on leur donner pour les conduire sur le chemin de la vie ?  La pratique régulière du karaté permet un développement harmonieux du corps et de l'esprit, ainsi que l'acquisition nouveaux réflexes et d'une coordination.

Les vingt préceptes de la voie du karaté.(G.Funakoshi)

1/ Il ne faut pas oublier que le karaté commence et fini par le salut

2/ En karaté on ne prend pas l'initiative de l'attaque.

3/ Le karaté est un complément de la justice

4/ Connais-toi d'abord toi même, ensuite connais les autres.

5/ En art, l'esprit importe plus que la technique.

6/ L'important est de garder son esprit ouvert sur l'extérieur.

7/ Le malheur provient de la paresse.

8/ Ne pense pas que l'on fasse du karaté seulement dans le dojo.

9/ L'entraînement en karaté se poursuit tout au long de la vie.

10/ Vois tous les phénomènes à travers le karaté et tu trouveras la subtilité.

11/ Le karaté est comme l'eau chaude, elle refroidie dès qu'on cesse de la chauffer.

12/ Ne pense pas à gagner mais pense à ne pas perdre.

13/ Change selon ton adversaire.

14/ L'essentiel en combat est de jouer sur le faux et le vrai.

15/ Considère les membres de l'adversaire comme autant de sabres.

16/ Dès qu'un homme franchit la porte d'une maison, il peut se trouver face à un million d'ennemis.

17/ Prends la garde comme un débutant, ensuite tu peux te tenir naturellement.

18/ Il faut exécuter correctement les kata, ceux ci sont différents du combat.

19/ N'oublie pas la variation de la force, la souplesse du corps et le rythme dans les techniques.

20/ Pense et élabore toujours.

Les 20 préceptes écrits de la main de Maître Shinkin Gimma qui fut le disciple des maîtres Itosu et Yabu et l'assistant du maître Funakoshi.